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MINUTE papillon!

Comment ça, tu n'as pas le temps de lire? Attends, tu as bien une minute… Alors je te propose de découvrir de courts textes divisés en plusieurs parties d'une minute de lecture. Tout d'abord, tu peux les écouter dans la rubrique "La puce à l'OREILLE" et ensuite les lire ici, dans la rubrique "MINUTE, papillon!".

  • Revenons à nos moutons

    Revenons à nos moutons

    Il était une fois un berger qui habitait dans la Vallée d’Aspe avec sa femme. Chaque année, il partait avec ses moutons en transhumance pendant quelques mois et sa femme devait rester toute seule à la maison. Pendant ces mois, elle avait toujours le cafard et en plus, elle devait supporter les commentaires des gens du village qui doutaient de son amour envers son mari. Vous savez, quand le chat n'est pas là, les souris dansent…

    Cependant, elle ne s’ennuyait pas comme un rat mort. Elle l’attendait en cousant avec la laine des moutons, créant des tissus magnifiques qu’ils vendaient par la suite. C'était une vraie artiste.

    Et quand son mari revenait, ah, c’était la fête dans la cabane du berger. Avant de partir, il lui disait le jour exact où il reviendrait… Et il ne lui avait jamais posé de lapin. Ce jour-là, elle mettait sa plus belle robe et s’asseyait devant la maison jusqu’à ce qu’elle voie, au loin, son mari s’approchant, entouré de ses moutons. Elle allait à sa rencontre et, chaque année, il lui disait : « Mon chat, revenons à nos moutons ».

    Leurs moutons, c’était leur mode de vie. Leurs moutons, c’étaient aussi les mois les plus importants de leurs vies. Et c'est ainsi, chers lecteurs, que nous utilisons cette phrase pour dire qu’on retourne au sujet principal (d’une conversation, par exemple).

    (8rB remercie Paula Ortega)

  • Agadir

      Voici l'enregistrement de ce récit afin de l'écouter avant de le lire.

    Agadiragadir.mp3 (3.4 Mo)

    Agadir

               Ton lieu de naissance : Nantes. Ton nom de famille : marocain. Les aléas de la vie, tu connais. Ton patronyme aurait pu être mauritanien comme celui de ta mère ou bien français comme celui de l'homme dont elle est tombée amoureuse à 17 ans. 

              Tu n'as pas connu le déracinement, tes parents non plus. Tes grands-parents paternels ont débarqué à Marseille avec leur progéniture quelques mois après avoir tout perdu dans le tremblement de terre de 1960 qui a détruit la kasbah d'Agadir. Ton père est né à Rodez trois ans plus tard. Ta mère a vu le jour en Mauritanie, mais ses parents ont émigré en France quand elle était encore bébé. Même si elle n'a jamais remis les pieds sur la terre de ses ancêtres, elle t'a transmis les recettes familiales, telles que le "banafé", un ragoût aux oignons marinés. Tantôt elle opte pour le couscous mauritanien, tantôt pour celui marocain. Mais le plus souvent, elle concocte des plats d'inspirations très diverses. De toute façon, la cuisine, ce n'est pas ton truc. Mais si tu ne dois en citer qu'un, ton plat préféré est le ceviche d'espadon.

              C'est ta grand-mère paternelle, toujours fourrée dans ses bouquins, qui t'a appris que le nom  du "Maroc" vient de "Marrakech", la capitale des Almoravides fondée au XIème siècle. Or, l'un de tes cousins, jamais sorti de son trou, soutient qu'il découle de l'arabe "al-Maghrib", qui signifie "pays du couchant". Tu ne sais pas qui a raison donc, pour la paix dans la famille, tu as décidé que c'était un mélange des deux origines. Tu n'es pas linguiste alors tu ne vas pas te prendre la tête.

              Parfois, tu as le cul entre deux chaises. Mais c'est uniquement à cause du regard des autres. Quand tu passes tes vacances à Agadir, rien qu'en ouvrant la bouche, tout le monde sait que tu vis en France. Et pourtant, tu t'appliques à bien parler. Dans les rues nantaises, depuis ton adolescence, tu ne comptes plus le nombre de fois où les flics ont contrôlé tes papiers. À ta copine Magali, avec ses taches de rousseur et sa peau blanche, ça ne lui est jamais arrivé. Comme par hasard. Tu as compris que tu ne devais plus sortir sans ta carte d'identité, voilà tout. Ce n'est pas la mer à boire. Que les autres te collent l'étiquette d'étranger, où que tu ailles, ça t'est égal. Toi, tu te sens bien dans tes baskets, que ce soit sur une plage marocaine ou sur les bords de la Loire.

              Le soir, au creux de ton lit, tu te balades dans le souk El Had. Ou au milieu des gratte-ciel de Kyoto. Le nom d'Agadir te fait rêver, mais tu ne voudrais pas y vivre. Parfois les racines sont des entraves. Ton copain Étienne t'a tellement parlé de son voyage au Japon que c'est là que tu aimerais mettre les voiles…

    (8rB remercie Ali)


  • Le vague à l'âme du dauphin

    Le vague à l'âme du dauphin

           Le petit dauphin était triste. On pouvait bien dire qu'il avait le cafard. Ses confrères avaient beau sauter en sortant et en plongeant dans l'eau, il restait muet comme une carpe. Alors sa mère l'a emmené à l'écart pour l'interroger sur ce qui lui arrivait. Il lui a répondu que l'autre jour à l'école ils avaient appris plusieurs expressions qui faisaient référence aux différents animaux, mais aucune liée aux dauphins. Il se confie à sa mère :

    "Tu sais maman, tous les animaux ont donné lieu à des phrases très célèbres. Quand on veut souligner l'intelligence, on prend l'exemple du renard, et si c'est la douceur, c'est l'agneau qui l'a. D'autres importantes vertus y sont aussi rapportées, comme la force pour les bœufs ou la fierté pour le coq. Par conséquent, on dirait que les hommes nous ont tous oubliés! Nous avons beau sauter pour fêter leur arrivée et avoir la réputation de faire rire leurs enfants, ils semblent avoir d'autres chats à fouetter."

    La maman dauphin essaie de le raisonner :

    "Mais qu'est-ce que tu dis, mon petit?! Il n'y a pas de quoi fouetter un chat!! Ce ne sont pas toujours des expressions flatteuses qui sont attribuées! La plupart ont des connotations négatives et aucun dauphin ne voudrait être qualifié de la manière dont les hommes le font quand ils parlent de la mule, de la linotte ou du perroquet. Même l'animal qui sur la terre nous ressemble le plus, comme le cheval, ne serait pas très content s'il comprenait les phrases qui lui sont accordées.

    Une caractéristique de l'être humain est celle de juger tout et de regarder d'un mauvais œil ce que font ses semblables. Ça, c'est l'origine de tant d'expressions. Comme ça, ils se comparent, pas seulement avec les animaux, mais ils s'octroient aussi nos qualités les plus négatives."

    Elle poursuit son discours :

    "Quant à nous, tu dois savoir que nous faisons partie de ce que les humains considèrent comme la plus élevée des situations. Quand un roi a son premier enfant, tout le monde l'appelle le dauphin. Donc, parmi la noblesse, le dauphin est le titre le plus apprécié. Telle doit être l'affection qu'ils nous professent."

           En écoutant ça, le petit dauphin a commencé à sauter et à rire de sorte que, désormais, les pêcheurs disent, quand la pêche est bonne, qu'ils sont heureux comme un dauphin. Pardon, comme un poisson dans l'eau!

    (8rB remercie Alphonse)


  • Tout doux

    Voici l'enregistrement de ce récit afin de l'écouter avant de le lire.

    Tout douxtout-doux.mp3 (2.25 Mo)

    Tout doux

    Il était une fois deux oiseaux qui se disputaient au sujet d'une branche de houx. Cela faisait plusieurs semaines qu'ils se cherchaient des poux. Le grand hibou roux donna un coup de bec dans le genou du petit hibou blanc et celui-ci riposta en visant le cou de son rival avec un caillou. Le rouquin fut pris d'une quinte de toux. D'une petite voix étranglée, il murmura :

    - Tu es fou ou quoi?

    Le pâlichon s'approcha en boitant et lui avoua :

    - Je suis désolé! Je ne voulais pas te faire mal. On fait la paix, mon chou?

    L'autre reprit du poil de la bête et lui demanda :

    - Ce ne serait pas une de tes ruses de Sioux?

    Le petit hibou lui rétorqua :

    - Mais non.

    Le grand hibou essaya de négocier :

    - D'accord, mais promets-moi de me prêter un joujou.

    "Lequel?", interrogea le hibou blanc. L'autre lui lança sans hésiter :

    - Ton petit gnou en peluche.

    Le petit pâlichon accepta en affirmant :

    - Ça marche. Et toi, tu ne me donnes rien?

    Le hibou roux reconnut qu'il n'avait pas un sou pour lui offrir un bijou, puis il ajouta :

    - Mais je peux dire à tout le monde que tu es mon chouchou.

    Plein d'entrain, le petit hibou blanc s'exclama :

    - Chouette! Tope-la!

    Alors le grand hibou roux s'approcha doucement pour toucher l'aile de son ami et lui donna un bisou.

    (8rB remercie Florence)


  • Le calendos

    Voici l'enregistrement de ce récit afin de l'écouter avant de le lire.

    Le calendosle-calendos.mp4 (1.65 Mo)

    Le calendos

    Pourquoi m'avoir choisi moi et par là-même mes congénères, pour le rôle d'un sot honteux et confus ? C'est trop facile de prendre des animaux comme boucs émissaires.

    Certes, je ne suis pas le Phénix des hôtes de ces bois, j'ai cependant le titre de Maître corbeau; mes idées claires ne se rapportent ni à mon plumage ni à mon ramage noirs d'encre mais elles me flattent davantage, ce que vous n'avez pas compris Monsieur de la Fontaine. Vous êtes-vous seulement demandé ce que faisait ce "fromage qui pue" dans mon bec ? Je l'avais récupéré dans une décharge voisine pour ne pas me trouver fort dépourvu quand la bise serait venue. Hélas ce morceau était infesté de mouches et de vermisseaux. Sur la branche d'un arbre j'étais en sentinelle quand je vis mon ennemi le renard au pied de l'arbre, par l'odeur alléché. Je pensais qu'il allait crier famine. Au lieu de cela, trompeur et filou comme il l'était, il se mit à me trouver beau et joli. Franchement, vous me connaissez, pouvais-je vraiment le croire ? Pour qui me prenait-il avec sa ruse grosse comme un éléphant ? Je jurai, sans qu'il fût trop tard pour moi, qu'il ne me prendrait pas. Ce fromage ranci qui aurait pu marcher tout seul malgré ses vers sans pieds nous vengerait de ses sournoises et fatales approches. J'ouvris donc mon large bec et laissai tomber ma proie, ce "calendos" faisandé et ennemi mortel de nos intestins. Le renard s'en saisit et fila. Je fus pris d'un croassement rieur (si, si, c'est possible!) à la pensée de ce qui l'attendait dans sa tanière auprès de sa renarde rousse peu commode.

    "Tel est pris qui croyait prendre", telle est la morale que vous auriez dû réserver à votre fable, Monsieur de la Fontaine. Vous avez eu tout faux. Je peux vous dire pour l'avoir vécu que "c'est double plaisir de tromper le trompeur" ou, en l'occurrence, que ce flatteur vécut aux dépens de... sa gourmandise !!

                                                                                                       (8rB remercie Mariec et Nieves)


  • Quiproquos

    Voici l'enregistrement de ce dialogue afin de l'écouter avant de le lire.

    Quiproquosquiproquos.mp3 (2.26 Mo)

    Quiproquos

    Julie : Dis, Améline, tu as bien pris tous les papiers de l'agence de location? Tu n'as pas oublié le contrat de la bagnole?

    Améline : Tu me prends pour une tête de linotte ou quoi? Mais oui, j'ai toute la doc, ne t'en fais pas.

    J : Excuse-moi, c'est la première fois que je loue une caisse.

    A : Y a pas de souci. Ne te tracasse pas comme ça. Notre escapade va être super, tu verras. En plus, ma sœur m'a filé plein de bonnes adresses de bars à tapas de Burgos et de Salamanque.

    J : Cool! Au fait, elle s'est remise de son opération?

    A : Ouais, elle pète la forme maintenant. Enfin, je dis ça, mais là, elle est en plein blocus. Tu sais, c'est crevant!

    J : Ah bon? Je ne savais pas que sa fac était en grève.

    A: Quelle grève? Mais non! Chez nous, en Belgique, le blocus, c'est la période qui précède les examens alors être en blocus, c'est bûcher à fond. Nous, on dit qu'on bloque à fond!

    J : Ah, c'est marrant, ça. En France, quand ils font un blocus, les étudiants ne foutent rien alors que chez vous, c'est le contraire, ils triment comme des dingues! À propos que trimer, si tu as un coup de barre, n'hésite pas, je peux prendre le volant quand tu veux.

    A : Ça va, merci. Allez, volle pétrole! On est presque arrivées à la frontière espagnole.

    J : Quoi? On doit déjà faire le plein? Qu'est-ce que tu racontes? La jauge d'essence est sur le maximum…

    A : Pas de panique, Julie! C'est une autre expression belge. Volle pétrole veut dire à toute vitesse. Tu n'as pas hâte d'arriver, toi?

    J : Si, bien sûr. Décidément, je pige tout de travers ce matin… Je suis dure de la comprenure, comme vous dites!

    A : Ouais, tu devrais prendre des notes et potasser tous mes belgicismes! Depuis le temps qu'on se connaît, tu devrais être habituée.

    J : C'est vrai, je me souviens de la première fois que tu m'as vannée avec les toilettes.

    A : C'était quand tu es venue chez mes parents?

    J : Oui, c'est ça. La vache! Je voulais seulement savoir où étaient les toilettes et tu m'as répondu en me demandant combien j'en voulais. Comme si une toilette ne me suffisait pas! Je me rappelle que je suis devenue rouge comme une pivoine devant ta famille. Je cherchais le petit coin et j'ignorais que chez vous le terme s'utilisait au singulier.

    A : Ne m'en veux pas, va. Tu sais bien que j'adore te taquiner!

    J : En tout cas, l'expression belge que je préfère, c'est "tu n'as pas toutes tes frites dans le même cornet" pour dire qu'il te manque une case. Tu n'as peut-être pas remarqué, mais je l'utilise de temps en temps. Et à chaque fois, je pense à toi, ma belle!

    A : C'est malin!

    (8rB remercie Améline et Julie)


     

  • Chapeau !

    Voici l'enregistrement de ce récit afin de l'écouter avant de le lire.

    Chapeauchapeau.mp3 (1.42 Mo)

    Chapeau!      

    Je m'appelle Sourou, ce qui signifie "la patience". Je suis le chef féticheur de Taneka Koko, au nord du Bénin. Si vous passez dans mon village, vous me reconnaîtrez facilement avec ma pipe de 45 cm qui est toujours allumée. Notre hameau se caractérise par ses maisons rondes aux toits de paille. Les montagnes qui nous entourent nous protègent des mauvais esprits. Ici, la vie est simple, on vit au rythme de la culture de l'igname et du bétail.

           Quand les visiteurs débarquent chez nous, je les accueille toujours sans chichis, en leur serrant la main à chacun. La vache! Les touristes blancs se ressemblent tous! C'est vraiment curieux. Leurs guides prennent le temps de palabrer avec moi. Ils me demandent toujours si leurs clients peuvent me prendre en photo. J'accepte volontiers. Ça m'amuse de penser que je voyage dans le monde entier grâce à ces photos. Je les vois sortir leur portable en me jetant des coups d'œil interrogatifs. Je sais bien qu'ils se demandent où je range le mien. C'est vrai, ils ont raison, ma tenue ne comporte aucune poche!

           Un jour, j'ai remarqué l'un des visiteurs car il avait l'air particulièrement sympathique. Malgré la barrière de la langue, nous avons pu communiquer. J'ai senti un respect mutuel ou quelque chose comme ça. Il ne faisait pas preuve du sans-gêne habituel des touristes et ça m'a plu. Je lui ai même prêté ma pipe et mon chapeau alors sa femme l'a tout de suite pris en photo. C'est en lui passant mon bonnet qu'ils ont découvert le pot aux roses. Eh oui, c'est bien là que je garde mon portable. Ça les a beaucoup amusés.

           J'ai bien compris que mon nouvel ami me demandait s'il y avait Internet dans notre village. Mais je n'ai pas voulu lui répondre tout de suite. D'ailleurs, le guide est arrivé à ce moment-là pour lui dire qu'ils repartaient vers leur prochaine étape. J'ai salué toute la clique et je suis retourné à l'ombre de mon beau karité. Ils ne sauront donc jamais que je préfèrerais avoir l'eau courante…

    (8rB remercie Rocío, Vidal et Paul)

    Benin


     

  • La lettre de rupture

    Voici l'enregistrement de ce récit afin de l'écouter avant de le lire.

    La lettre de rupture partie 1la-lettre-de-rupture-partie-1.mp3 (587.44 Ko)

    La lettre de rupture partie 2la-lettre-de-rupture-partie-2.mp3 (624.56 Ko)

    La lettre de rupture partie 3la-lettre-de-rupture-partie-3.mp3 (546.56 Ko)

    La lettre de rupture partie 4la-lettre-de-rupture-partie-4.mp3 (504.56 Ko)

    La lettre de rupture

    Partie 1.

    Ma douce,

    Ma démarche doit drôlement te surprendre. Ça fait un bail que je n'écris pas de lettre alors pardonne mon écriture malhabile. Ça tremblote de partout et les ratures enlaidissent l'ensemble. Tant pis. Elle restera à l'état de brouillon peu présentable. Je la rangerai dans le tiroir où je garde précieusement toutes sortes de vieilleries. Je n'ai pas toujours été fétichiste, loin de là. Quand s'est donc opéré ce changement en moi? Je crois savoir. La perte d'un être cher a fait naître ce sentimentalisme nostalgique…

    Partie 2.

    Assez parlé de moi. Comment trouver les mots pour décrire notre premier contact? C'est un souvenir qui me fait encore frémir de plaisir. Dans ce magasin, je ne voyais que toi. Les vendeuses me semblaient inconsistantes et revêches, je m'en souviens très bien. Elles ricanaient entre elles au lieu de s'occuper de la clientèle et de la boutique. Notre connivence a débuté comme ça. En effet, je voyais bien que ça t'agaçait que ces greluches ne s'inquiètent pas de tes besoins. Tu en étais toute froissée. Tu as été reconnaissante que je t'emporte loin de cet endroit. Moi, j'étais aux petits soins avec toi. Tu pourras me faire une foule de reproches, sauf la brusquerie.

    Partie 3.

    Tu ne m'as jamais rien dit, mais je sais parfaitement que je n'ai pas été à la hauteur de tes attentes. Tu as assisté sans broncher à une ribambelle de moments importants de ma vie, comme ma réussite professionnelle, mes amours et désamours, mes déboires… Tu n'as pas pu y prendre part. Tu étais tiraillée, ballottée, lessivée… Je ne t'ai rien épargné. Je t'ai négligée, oubliée puis retrouvée. Notre complémentarité s'est effilochée avec les années. Pourtant, tu n'as jamais failli. Mon égoïsme n'a pas terni ta douceur ni ton rayonnement.

    Partie 4.

    Tu n'es plus présentable, ma belle. Allez, ce n'est pas la peine de tourner autour du pot. Il s'agit bel et bien d'allure et de beauté. Le regard des autres sur nous deux m'a toujours plu. Or, je ne supporte pas l'idée de déplaire. Mais, ne t'en fais pas, tu ne finiras pas en chiffon ni à la poubelle. Même lustrée et usée jusqu'à la trame, je te garderai près de moi. Te voilà soigneusement pliée dans ce tiroir des souvenirs.

    Tendrement.

    Signé : Ange

    (8rB remercie Nicole)


     

  • Où est passé tout le monde?

    Voici l'enregistrement de ce récit afin de l'écouter avant de le lire.

    Ou est passe tout le monde 1ou-est-passe-tout-le-monde-1.mp3 (1.23 Mo)

    Ou est passe tout le monde 2ou-est-passe-tout-le-monde-2.mp3 (1.28 Mo)

    Ou est passe tout le monde 3ou-est-passe-tout-le-monde-3.mp3 (857.34 Ko)

    Ou est passe tout le monde 4ou-est-passe-tout-le-monde-4.mp3 (1.53 Mo)

    Ou est passe tout le monde 5ou-est-passe-tout-le-monde-5.mp3 (638.38 Ko)

    Où est passé tout le monde?

    1

    En sortant du cagibi, mon pied heurte un truc un peu mou. C'est un corps inerte. Mais qu'est-ce que je faisais dans ce cagibi? Je me sens encore un peu étourdi. J'ai dû me cogner contre l'une des étagères. Ah oui, on me poursuivait et je m'y suis caché. Parfois, j'ai des trous de mémoire, mais ça arrive à tout le monde.

    Je jette un coup d'œil autour de moi. La lumière crue me dérange alors je cherche l'interrupteur sans parvenir à le repérer. À ma gauche, contre le mur, il y a une rangée de sièges en plastique de couleur bleu pastel. Par terre, je m'attends à voir du carrelage, un damier lie-de-vin et beigne, par exemple, mais pas du tout, c'est du linoléum gris clair, lisse et froid. Une chaleur ammoniaquée me pique les narines. Un bourdonnement me chatouille l'oreille, rien d'autre.

    En face de moi, une espère de comptoir me fait comprendre que je me trouve dans la succursale d'une banque.

    2

    Je me glisse derrière le comptoir et aperçois une porte entrouverte dans un renfoncement. En la poussant, je la cogne contre une corbeille à papiers. Dans un espace riquiqui, sombre, sans fenêtre, un faisceau lumineux provient d'un coffre ouvert. Quelle poisse! Pas de lingot d'or ni de liasse de billets, seulement quelque chose qui ressemble à une plaquette de beurre. C'est une blague ou quoi?

    Terriblement déçu, je retourne dans la salle afin de voir de plus près le macchabée. En me penchant pour ramasser sa canne, qui pourra me servir d'arme, je remarque la drôle de grimace du vieil homme. Son sourire béat contraste avec ses sourcils froncés et ses yeux fermés. Ce visage ne me dit rien. Ce doit être un otage qu'on a éliminé au cours du braquage. Du coup, je relève la tête pour inspecter le plafond. Curieusement, il n'y a qu'une seule caméra de surveillance. Je m'en approche et tente de la frapper à l'aide de la canne, mais je n'y arrive pas car je suis trop petit. Je dois reconnaître que je suis de plus en plus voûté.

    3

              Quelle tête de linotte! Je me rends compte qu'il y a une porte vitrée à l'autre bout de la salle qui donne sur l'extérieur. J'aperçois les réverbères allumés. Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt? Au lieu de tourner en rond, je ferais mieux de partir d'ici avant que mes poursuivants ne me mettent la main dessus. Mon esprit curieux me perdra. Je suis toujours à fouiner partout, c'est plus fort que moi. Et voilà où ça me mène : prisonnier d'une bande de malfaiteurs. D'habitude, ma maladresse m'apporte les foudres de mon entourage alors je suis étonné d'avoir échappé à ces types. Ce sont des amateurs, tout bêtement. Comme il n'y a plus personne ici, les flics ont dû intervenir et les arrêter tous. Sauf qu'ils m'ont oublié ou quoi?

    4

              La porte vitrée ne s'ouvre pas. Même si c'était prévisible, j'ai tenté ma chance. Alors je fais demi-tour et m'engage dans un étroit couloir fermé par une porte coupe-feu. Ouf, elle s'ouvre. J'en passe plusieurs avant de d'entrer dans une petite salle d'attente avec des chaises, une table basse couverte de prospectus et de magazines ainsi qu'un distributeur automatique de boissons. Trois couloirs s'offrent à moi.

    Dans le premier, le seul éclairé, tout de suite à ma droite, la pancarte d'une porte attire mon attention. Elle indique des escaliers. En baissant la poignée, je constate que ça ne s'ouvre pas donc je la soulève et découvre avec soulagement que ça fonctionne. Mon cœur bat la chamade. Au bas des escaliers, je me retrouve dans les sous-sols d'un garage. J'erre quelques minutes parmi les véhicules puis, en haut d'une rampe, je trouve enfin la sortie. Ni barrière ni grille, la voie est libre. Je n'en reviens pas. Je connais cette place carrée avec ce square au milieu. Puisqu'il n'y a pas un chat, j'en déduis que la police a évacué tous les habitants du quartier. C'est à ce moment-là qu'un gros doute me fait trembler de la tête aux pieds.

    5

    Le jour se lève. Le frémissement des feuillages et l'air frais sur mes tempes me calment un peu. N'empêche, la question qui me trotte dans la tête me trouble encore. Suis-je un otage ou un braqueur de banque? L'absence des flics me tracasse encore plus que la disparition des voitures tout autour du square. L'angoisse me serre la gorge. Les jambes en compote, la canne m'évite de justesse de tomber comme un sac de pommes de terre. Après quelques pas sur le trottoir, je reprends le contrôle de mon corps. Et je retrouve le cap à suivre : raser le mur de la succursale, tourner au coin, prendre la ruelle qui débouche sur le boulevard où je pourrai héler un taxi. Si seulement je trouvais une auberge de jeunesse bien douillette, j'y vivrais comme un coq en pâte, entouré de rires et de musiques.

               Au moment où je tâte les poches de mon pantalon de pyjama pour voir si je n'ai pas oublié mon portemonnaie, une main me saisit le bras et une voix féminine me dit sur un ton ferme et doux à la fois : "Il faut arrêter de regarder trop de séries, monsieur. Venez, je vous raccompagne dans votre chambre."

    (8rB remercie Santiago)