Paix à son âme
- Par 8r-b
- Le 05/07/2020
- Dans Le Gobe-mouches
Bonjour les internautes,
Bien que je ne l'aie pas connu en chair et en os et que nous n'ayons aucun point en commun, je voue une admiration sans borne au Cid Campeador. Sa bravoure et ses prouesses ont fait couler beaucoup d'encre. La figure de ce personnage historique mythique a inspiré le poème épique El Cantar del Mío Cid, un chef-d'oeuvre de l’ancien castillan du Moyen Âge. Si pendant sa vie il est devenu célèbre par son courage dans les champs de bataille, après sa mort, il a participé à des évènements également extraordinaires, notamment avec les péripéties de ses ossements. Pour ne citer qu'un exemple, il a gagné sa dernière bataille déjà cadavre attaché à son cheval avec son épée et son armure. Seulement avec le pouvoir de sa présence. Que diable ! Cela s’appelle vraiment faire des heures supplémentaires au travail!
Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire. Après sa mort en 1099 à Valence, les restes du valeureux guerrier ont été ballottés par monts et par vaux, péniblement nomades pour longtemps, c'est le moins que l'on puisse dire. Et ce, jusqu'au XXème siècle! Déjà, en 1102, selon la volonté de son époux, Chimène les a ramenés au monastère de Saint-Pierre de Cardeña. Mais c'est au cours du XIXème siècle qu'ils ont subi le plus grand nombre de profanations et de spoliations. De fait, les troupes napoléoniennes ont ouvert le tombeau du Cid et de son épouse pour le mettre à sac sans vergogne. Heureusement, le général Thiébault, gouverneur de Burgos à l'époque, a voulu sauver ce qui restait en le faisant déposer dans un monument érigé à cet effet sur la promenade de l'Espolón en mai 1809. Quinze ans plus tard, les dépouilles ont repris le chemin de Saint-Pierre de Cardeña. Puis, entre 1842 et 1921, elles ont été conservées à la mairie de Burgos, avec des restes récupérés d'Allemagne. Quand je vous dis qu'ils ont voyagé*! On en a retrouvé en France, en République Tchèque et même en Pologne.
L'acte solennel auquel j'ai réellement assisté a été le transfert de ces ossements le 21 juillet 1921. C'était à l'occasion du 7ème centenaire de notre chère cathédrale, je m'en souviens parfaitement. Même moi, j'ai été impressionné par le défilé des autorités religieuses, civiles et militaires en présence du roi Alphonse XIII et de la reine Victoria. Un événement avec une mise en scène digne d’un opéra de Verdi. Orchestrée et menée avec fanfare. Et pourtant, j'en ai vu, des célébrations! Impressionné n'est peut-être pas le mot juste. Disons plutôt que j'étais ému. L'idée que l'ensemble de la cathédrale serve de mausolée à ce grand personnage me touche encore aujourd'hui. Ceci explique la simplicité de la dalle funéraire en marbre rouge qui se situe sous la coupole du transept, au cœur du temple gothique. Bien sûr, il devait occuper une place de privilège dans la cathédrale. Bien que par la taille de sa tombe, on dirait qu’elle garde en plus de ses restes réduits, ceux de son fidèle cheval.
La longue errance de ces dépouilles mortelles me laisse songeur. Aura-t-il finalement atteint la paix éternelle dans sa dernière demeure? Ou s’agira-t-il tout simplement d’une étape dans son parcours errant? Pourquoi certains humains ne respectent-ils rien?
(8rB remercie Annette et JJA)
* Pour en savoir plus, voici un excellent livre sur la question : Los huesos del Cid y Jimena. Expolios y destierros de Leyre Barriocanal Fernández et Ana Fernández Beobide (Diputación de Burgos, 2013)